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Le Blog d’Eric

Les Truffes fraîches

Le discours actuel ne vantant que les mérites des truffes fraiches a au moins, deux raisons totalement mercantiles et une troisième qui est de l'ordre du plagiat.

La première vient du fait que les producteurs veulent vendre en direct toutes leurs truffes. Si on peut comprendre l’intention, pour ceux qui ont achetés de tels lots sur certains marchés très cotés par les médias actuels, énormément ont été déçus. A l’intérieur du lot, vous avez tout, les pas mûres, les gelées, les gardées depuis 15 jours, les brumales, les petites molles ou dures et autres astuces que vous pourrez lire dans bon nombre de revues sur la truffe. D’autres marchés ont réagi avec des truffes soi-disant parfaites, lavées et contrôlées, mais vous n’avez aucune garantie sur la fraicheur ni sur les textures. Certains producteurs “trimbalant” leur lot de truffes lavées sur plusieurs marchés pour vendre et/ou atteindre le meilleur prix. Je vous passe sur les truffes lavées le mercredi pour être vendues le lundi et celles gardées dans la mousse pour faire un joli panier mais totalement infâme au niveau du gout, la mousse absorbant l’humidité de la truffe et non l’inverse et la truffe prenant un gout de mousse. De même que certains qui les conservent dans du sable, jamais changé pendant la saison voire plusieurs années, et qui donne un très mauvais goût aux truffes ; goût que j’ai mis longtemps à identifier d’ailleurs. La truffe vit sous terre et c’est le terroir qui lui donne ses parfums exceptionnels et non la mousse ou les jolis paniers ornés d’un linge que certains utiliseront pour faire écologique, bio, et champêtre.
C’est pour ces raisons et bien d’autres que je passe chaque semaine chez les producteurs. Je connais leur terroir, la forme de leur truffe, leurs parfums et comment ils les conservent. Je sais aussi qu’ils sont producteurs, car, il faut le dire aussi, je connais des producteurs qui vendent leurs truffes (en direct et aussi à l’étranger) mais qui proviennent en fait d’Espagne. Bref le monde de la truffe n’est pas différent de celui des herbes de Provence, du savon de Marseille, des huiles d’olive, des noix ou de n’importe quel autre légume ou produit. C’est pour cela que nous travaillons en privilégiant la relation humaine et en se disant les choses voire en les écrivant ici. C’est donc du circuit très court mais très vigilant.

La deuxième raison est de faire une présentation sur table identique à celle de magnatum qui, elle, ne se cuit pas. Cette dernière étant vouée à une unique utilisation en frais.
Il est indéniable que les restaurateurs ont besoin de faire leur job et le show de la présentation sur table des truffes et de les lameller devant les clients à certainement son importance. Je laisse cela aux restaurateurs qui sont les professionnels et ce n’est pas à moi de juger. Une jolie présentation de quelques truffes fraiches dans la salle de restaurant serait tout aussi pédagogique, sans trop faire souffrir les truffes sorties de leur fraicheur seulement quelques heures. Voire une cloche à fromage, quelques truffes et un pain de glace décorée par le patissier serait une oeuvre d’art plus francaise. Mélano est une très belle truffe, sa forme, ses diamants, sa couleur, son veinage sont graphiques. Vos présentations seront photographiées. Magnatum est moins jolie, sa couleur moins attirante et parfois des taches la rendent encore moins attractive. Son veinage est plus terne. C’est uniquement son parfum qui la rend si exceptionnelle d’où cette présentation sur table permettant aussi de masquer manuellement ses imperfections visuelles que nous ne connaissons pas avec Mélanosporum.

Et mélano a beaucoup plus d’avantages que la star italienne. Elle peut non seulement se cuire plus ou moins, sublimer ses parfums dans la matière grasse et/ou plus simplement dans des liquides, jus et sauces tout en lui gardant un certain croquant. Se déguster froide ou chaude de l’entrée au dessert.
Sur le même principe, une conserve de truffe de janvier dont le jus n’a pas été retravaillé plusieurs fois, c’est-à-dire une conserve équitable pour une alimentation durable vous fera imaginer de nouveaux plats. Vous trouverez aussi cette dernière chez nous et d’origine France. Si vous êtes en manque d’idées, il existe des centaines de recettes ou la truffe se cuit, recettes écrites par nos pairs. Carême, Escoffier, Ali bab, Gouffé, Montagné, Pellaprat, Bocuse, Point…Mais c’est votre inventivité, vos recherches, créations, adaptations ou évolutions qui amèneront de nouveaux plaisirs gustatifs et de nouveaux clients.

La troisième est un moins grand besoin en fond de roulement en vendant de la truffe fraîche. N’importe qui peut donc en faire d’où la difficulté des restaurateurs et des consommateurs de trouver le bon fournisseur. On ne s’improvise pas comme cela dans la truffe, et même si ce sont de vieilles maisons de truffes qui vous tentent, les gens changent… C’est un métier. Après 20 ans d’expérience, chaque année est différente tout comme la qualité des truffes change d’une année sur l’autre en fonction du temps notamment.

Néanmoins, avec les années chaudes, les étés trop secs et les contraintes préfectorales d’arrosage de plus en plus fréquentes, il nous faudra revenir à une consommation plus multiple refaisant sa part de noblesse à toute les catégories proposées à la vente, de la brisure à la catégorie extra qui va devenir rare.

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