La cause principale est la sécheresse de l’hiver 2021-2022 n’ayant pas rechargé suffisamment les sols. Au débourrement des arbres, ceux-ci ont préféré conserver de la ressource pour faire leur reproduction plutôt que de vouloir grandir et conquérir du territoire. La canicule qui s’est développée durant l’été n’a pas arrangé non plus les truffières qui avaient pu passer à travers et les pluies d’octobre ont été fatales aux naissances d’aout en plein grossissement. En effet en octobre les canaux de respiration sont ouverts et doivent se remplir d’oxygène au gré des différences de pressions entre la nuit et le jour par exemple et en aucun cas être envahit par de l’eau trop abondante. Bref une situation qui a permis une production maximum de 40% au niveau national très disparate selon les bassins.
L’Espagne n’a pas fait mieux pour des raisons à peu près similaires. Leur génétique de truffe et d’arbre différent néanmoins de la France, mieux adaptés depuis des siècles à leur climat aride n’a pas fait de merveilles. Ils arrosaient déjà les truffières lors de l’hiver 2021 pour pouvoir ramasser les truffes tellement les sols étaient durs et secs quand nous avions des parfums merveilleux dus à un hiver frais et sec aussi mais sur des sols moins secs. (Mon conseil personnel est aussi de ne pas vouloir transposer en France de la génétique d’Espagne pas du tout à l’aise dans notre climat et dans nos sols pour des raisons complexes)
Cet hiver 2023 a été un peu moins secs sauf sur le sud-est qui semble durablement touché. Pour ceux qui ont des pluies, n’oubliez pas qu’il faut aussi du chaud et des périodes de secs pour stresser les mycéliums et leur indiquer qu’ils doivent générer des truffettes. Un paillage total par 17 degrés la journée et 9 la nuit sera peu propice à cela. Si le sud-ouest est plutôt bien parti en cette année 2023 et aussi une partie du sud est qui a vue de la pluie, la route est encore longue avant la saison d’hiver.
L’Espagne est, elle, sinistrée, restée sans pluies significatives depuis de nombreux mois et ayant subi 10 jours de pluies parfois torrentielles ce mois de mai 23 avec le lessivage des sols qui en découle. Ce sont des milliers d’ha qui risquent de disparaitre définitivement s’ils ne peuvent irriguer. N’achetant que de la truffe Française, le fléchissement d’un concurrent devrait me réjouir mais c’est aussi une diminution de l’impact truffe qui se profile avec un risque de perte d’intérêt des consommateurs et restaurateurs si une production n’est que de quelques centaines de kilos la semaine.
Au même titre que le maraichage irrigue les légumes pour produire tomates, salades, radis et bien d’autres, la trufficulture doit pouvoir et est obligé d’irriguer de temps en temps pour maintenir une production. Notre production ne nécessite aucun traitement particulier nous obligeant même à avoir des sols très saints et vivants. Seules quelques pluies sont nécéssaires dans l’année pour y parvenir mais en leur absence, les nombreuses heures de travail de préparation sont rendues caduques. L’âge de nos producteurs n’est pas celui de jeunes agriculteurs pour une très grande majorité et c’est tout un ensemble de paysages et puits de carbone qui risque de disparaitre avec l’arrêt de l’eau dans nos territoires.
Règles de bases de la trufficulture
Arbre en situation de conquête territoriale sur des sols pourvus de calcaire actif.
L’arbre ne nourrit pas les truffes mais c’est la faune qui s’en charge: un minimum de MO est donc obligatoire pour nourrir ces êtres vivants.
Il faut du chaud et sec tous les mois pour éviter que d’autres compétiteurs mycéliens ne prennent la place de la mélano et pour créer les naissances. Brumale qui apparait sur nos truffières est un signe qu’elle était déjà présente avant, mais aussi que le milieu est peut-être trop fermé et/ou trop arrosé. Les pluies de début septembre la favorisent mais elles sont aussi et surtout essentielles a mélano. Il faut donc des sols drainants.
Les naissances ont lieu chaque mois, au plus tard de juin à l’arrêt des conditions favorables de chaleur soit vraisemblablement Novembre pour la France. Evidement les naissances sont moins nombreuses chaque mois passé puisque les mycéliums qui les portent, vivants, sont attaqués par l’environnement climatique et faunistique et vieillissent tout comme chaque être vivant au fur et à mesure de la saison…
Message à l’attention des producteurs: De très nombreux opportunistes vivent dans le monde de la truffe tout comme dans tous les autres domaines. Acheteurs, pépiniéristes, producteurs de truffes sans véritable production de ce qui est vendu, margoulins, vendeurs de sacs de miracles etc., etc. Des groupes de personnes sont aussi sous la croyance de quelques personnes parfois aussi affiliés à des Fédérations mais la seule réalité est que les volumes de productions baissent très fortement chaque année. L’on voit aussi de plus en plus d’entreprises espagnoles venir nous faire leurs publicités qui n’intéresseront que ceux qui les écoutent. Demain ce sera le chili ou d’autres pays encore. Seul ceux qui n’ont rien compris à la production peuvent en faire référence et imaginer reproduire en France ce qui s’est déjà produit il y a longtemps. Beaucoup d’entre vous et heureusement ont l’intelligence de prendre le temps de la réflexion et de l’analyse avant d’agir; je vous en remercie pour nos métiers.
Les parfums viennent des huiles essentielles de la flore rase et des annuelles des truffières présentes depuis des siècles comme c’est le cas en France. Les déserts pourront fabriquer des truffes mais sans ces parfums typiques.
Espérons que notre pays reçoive des pluies cet été afin de nous permettre de faire une belle saison de truffes très parfumées.